Mami Wata

Séance du
  • Réalisation: C. J. "Fiery" Obasi
  • NG/FR/UK 2023
  • 107 minutes
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Mami Wata

À Iyi, petit village fictif bordé par l’océan et coupé du monde, les gens vivent de leurs cultures, arborent de superbes maquillages blancs et honorent la déesse Mami Wata, censée leur apporter protection et bonne fortune. Ils confient leurs richesses à Mama Efe, prêtresse qui sert d’intermédiaire à la puissante divinité sur terre. Bientōt, l’une de ses filles devra la remplacer, ce qui suscite des tensions au sein de la famille, car toutes deux démontrent leur liberté de pensée. Lorsqu’un jeune garçon tombe malade, les pouvoirs de Mama Efe et l’existence de la déesse sont remis en question.

Générique

Réalisation
C. J. "Fiery" Obasi
Scénario
C. J. "Fiery" Obasi
Production
Oge Obasi
Photographie
Lílis Soares
Montage
Nathan Delannoy
Musique
Tunde Jegede
Interprétation
Rita Edochie (Mama Efe), Uzomaka Aniunoh (Zinwe), Evelyne Ily (Prisca), Emeka Amakeze (Jasper), Kelechi Udegbe (Jabi)
Origine, année
NG/FR/UK 2023
Durée
107 minutes
Distribution
Trigon-Film
Âge recommandé
12

Citation

Le film séduit d’emblée par son esthétique: un noir et blanc très con­tras­té, où les peintures rituelles des per­sonnages brillent dans la nuit. [...] Dans cette atmosphère magique et ténébreuse se déploie une parabole sur l’Afrique et ses démons.

Matthieu Loewer
Le Courrier, 26.9.2023


Commentaires

C . J. Obasi ouvre, avec ce conte naturaliste, de nombreux axes de réflexion, dans une esthétique à couper le souffle, avec un noir et blanc organique, sculpté par la lumière et les ombres dans lesquelles étincellent les maquillages, les coquillages d’apparat et les ornements de tissus qui rehaussent le port altier des villageois·es. Le cinéaste découpe son film en actes qui rappellent la tragédie grecque, annoncés par des cartons qui reprennent des séquences de dialogues ou d’événements à venir. Le procédé rythme le récit, qui pourrait cependant être plus tendu dans certaines parties, et projette les spectateurs·trices dans cette ambiance très finement dosée, entre surnaturel et réalisme de la condition humaine – celui qui témoigne des pulsions qui traversent une société, entre rivalités, jalousie, soif de pouvoir et de matérialité. L’habileté de C. J. Obasi est de développer un récit autour de personnages principaux qui évoluent, qui sont ambivalents, les éléments un peu plus caricaturaux étant laissés aux personnages secondaires, ce qui, une fois n’est pas coutume, sert l’histoire en permettant de mettre à jour sans grandes fioritures narratives les leviers psychologiques qui font qu’une arrivée allogène libère les pulsions, fait tomber les masques et passer à l’acte. Ce facteur étranger est très intéressant dans l’ambigüité qu’il introduit : difficile de dire si Obasi prône un certain conservatisme, un retour aux sources, une reprise en main d’une propre vision du monde. La réflexion est passionnante, entre envie d’appartenir au monde, d’avoir des écoles et des hôpitaux, de s’inscrire dans le développement économique, et les forces malfaisantes qui accompagnent cette ouverture, prêtes à foncer comme des vautours sur les gens qui vivent simplement et les entraîner dans un tourbillon délétère au son des canons et des violences qui se reproduisent dans un enchaînement asservissant. En revanche, ce qui transparaît assurément, c’est la volonté du réalisateur de montrer différentes facettes des femmes africaines, très éloignées de la représentation occidentale post-coloniale de la femme noire, ou celle hypersexualisée ou caricaturale (en positif comme en négatif) de Nollywood. Les protagonistes sont à la fois fortes et pleines de doutes et de peurs, peuvent se tromper, malgré leurs pouvoirs et leur intelligence, par amour, par crédulité, par perte de repères, mais elles sont aussi capables de puiser un nouveau courage dans la solidarité, la sororité, faire appel à la loyauté de celles et ceux qui, dans un premier temps, restent passifs devant l’adversité. Si Mami Wata est bel et bien ancré en Afrique, dans ses traditions et sa spiritualité, le récit onirique que fait C. J. Obasi traverse ces spécificités pour rendre compte de réalités générationnelles, culturelles, cultuelles, sociales et politiques sans frontières.

Malik Berkati
j:mag, 26.9.2023

Filmographie

2014
Ojuju
2015
O-Town
2018
Hello, Rain (Kf/cm)
2021
Juju Stories (Segment)
2023
Mami Wata

Récompenses

2023
Sundance Film Festival: Special Jury Prize, Special Jury Award for Cinematography
2023
FESPACO Ouaga, Burkina Faso: Prix de la critique, Meilleure image, Meilleur décor