Gloria Mundi

Séance du
  • Réalisation: Robert Guédiguian
  • FR/IT 2019
  • 106 minutes
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Gloria Mundi

Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda vient de donner naissance à une petite Gloria. Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie… En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout. Quand un coup du sort fait voler en éclat ce fragile équilibre, Daniel, qui n’a plus rien à perdre, va tout tenter pour les aider.

DS

Générique

Réalisation
Robert Guédiguian
Scénario
Robert Guédiguian, Serge Valletti
Production
Marc Bordure, Robert Guédiguian
Photographie
Pierre Milon
Montage
Bernard Sasia
Musique
Michel Petrossian
Interprétation
Ariane Ascaride (Sylvie Benar), Jean-Pierre Daroussin (Richard Benar), Gérard Meylan (Daniel), Anaïs Demoustier (Mathilda)
Origine, année
FR/IT 2019
Durée
106 minutes
Distribution
Agora Films

Plus qu’un constat amer sur notre société gagnée par le repli sur soi et l’aliénation, Gloria Mundi clame la soif de son auteur de voir le monde sortir de sa crise individualiste pour se diriger vers davantage de solidarité.

Anne-Claire Cieutat
Bande à part, 29.11.2019

Commentaires

Il y a dans le cinéma de Robert Guédiguian une propension à la noirceur et à la tragédie qui dessine en filigrane de son œuvre un sillon inconsolable [...]. Gloria Mundi, son dernier film […], appartient à cette veine ténébreuse, dressant un constat sans appel sur l’état de concurrence généralisée qui sévit aujourd’hui dans la société française et ailleurs. Même Marseille, le port d’attache du cinéaste, n’y apparaît plus sous le jour rayonnant d’autrefois, mais comme une ville froide aux perspectives bouchées, où les hautes tours, tels des miradors vitrifiés, surplombent avec arrogance les quartiers lépreux, laissés à l’abandon. Gloria Mundi frappe fort et juste en montrant à quel point la rationalité économique, vouée à tout envahir, s’infiltre désormais jusqu’au nœud des relations familiales, au dernier degré de l’intime. […]
Accordant autant d’attention à chacun de ses personnages, sans qu’aucun ne prenne le pas sur les autres, le film effectue un état des lieux accablant du monde du travail, endroit d’une dérégulation infernale qui asservit le salarié à l’immédiateté des flux économiques. Sylvie et Richard, en horaires décalés, ne se croisent qu’à l’aube, sans partager le même temps libre. Mathilda erre de période d’essai en période d’essai et déclare qu’elle « ferait pareil » si elle était à la place de ses employeurs. Nicolas, chauffeur Uber, ne compte pas ses heures et ne dispose d’aucune protection sociale (un pépin ne manquera pas d’arriver). Quant à Aurore et à Bruno, petits thuriféraires de l’entreprise, dopés au « cash » et à la cocaïne, ils s’enrichissent sur le dos des pauvres en rachetant leurs biens à vil prix. Tous ont assimilé les mots d’ordre de l’idéologie néolibérale – Bruno se prétend un « premier de cordée » –, jouant selon les règles d’une concurrence imposée d’en haut. Ainsi les précaires sont-ils jetés les uns contre les autres, sans réaliser qu’ils partagent les mêmes intérêts de classe.
Mais ce tableau ne serait pas complet sans un regard extérieur : celui de Daniel, le père biologique de Mathilda, sortant de longues années d’incarcération et venant à Marseille rendre visite à sa petite-fille. Ce personnage magnifique, présence rentrée et mélancolique, juste là pour aider les autres, leur prêter main-forte, ne partage pas le temps pressurisé des salariés, mais habite un versant repenti, pacifié, de l’existence. C’est à travers lui, ange gardien, conscience du passé, figure sacrificielle, que le film prend la forme d’un mélodrame, parfois simplificateur (les petits patrons en prennent pour leur grade), mais souvent bouleversant. Mélodrame politique où le paroxysme du malheur désigne ce qui est devenu invivable dans nos sociétés, ces forces conjuguées qui laminent les individus. Les personnages de Gloria Mundi traînent au fond d’eux une fatigue aussi physique qu’existentielle, un épuisement qui est aussi celui de notre monde. Jusqu’à quand pourra-t-il encore tenir ?

Mathieu Macheret
Le Monde, 27.11.2019

Le film est d’un grand pessimisme, mais jamais d’une manière écrasante ou moralisatrice. Guédiguian semble y avoir concentré toute son inquiétude et sa rage, notamment dans sa façon de décrire la cruauté spontanée des plus jeunes. « Je ne voulais pas que ça apparaisse comme un jugement de valeur sur la jeunesse mais, à travers eux, un jugement de la société actuelle, qui n’offre aux jeunes aucun moyen d’avoir des projets collectifs tout en glorifiant la réussite individuelle. Quand on veut paraître humaniste, on dit que la réussite individuelle va tirer les autres. On sait tous que quand on est arrivé en haut, la corde est coupée depuis un moment et qu’il a fallu marcher sur les autres pour en arriver là. »

Beaucoup d’éléments du récit renvoient à la littérature du XIXe siècle, avec ses anciens au passé trouble, marqué par la délinquance ou la prostitution, ses jeunes gens sans scrupule, ses usuriers, son héros tragique. Guédiguian parvient à montrer ainsi à quel point le présent régresse, comme si les luttes et les acquis sociaux des années 60 et 70 avaient été progressivement gommés. « Il n’y a plus d’espace, ni de parti, ni de syndicat où les gens ont envie de se rencontrer avec la conscience d’appartenir à une même communauté d’intérêt. Il en découle une absence de solidarité. La chose la plus tragique est d’avoir perdu le pouvoir que tout cela donne. Non pas le pouvoir que l’on prend sur les autres, mais un pouvoir de résistance, qui peut produire une contre-culture. Certes, il reste des actions par-ci par-là, des associations, des microprojets, des lieux alternatifs, mais ce sont des exceptions. Des lucioles, comme disait Pasolini. Il y a au moins une chose qui s’oppose complètement à ce que je dis dans le film, c’est ce qui se passe en ce moment dans l’hôpital public. Ça m’émeut énormément que tout l’hôpital, toutes catégories confondues, soit réuni pour la même cause. Si je faisais un film sur ce sujet, ce serait un film très réjouissant ! »

Marcos Uzal
Libération, 25.11.2019

Prix (Sélection)

2019
Venice Film Festival: Best Actress (Ariane Ascaride)

Filmographie (Sélection)

1995
À la vie, à la mort !
1997
Marius et Jeannette
2000
La ville est tranquille
2002
Marie-Jo et ses deux amours
2004
Mon père est ingénieur
2005
Le Promeneur du Champ-de-Mars
2008
Lady Jane
2009
L'Armée du crime
2011
Les Neiges du Kilimandjaro
2015
Une histoire de fou
2017
La Villa
2019
Gloria Mundi