Western

Séance du
  • Réalisation: Valeska Grisebach
  • BUL/GER/AUT, 2017
  • 119 minutes
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Western

Un groupe d’ouvriers allemands travaille sur un chantier au fin fond de la Bulgarie. Barrière de la langue, fossé culturel, les relations avec la population du village alentour se révèlent difficiles, voire conflictuelles. C’est un véritable western, que nous propose Valeska Grisebach, avec ses codes et ses archétypes que la réalisatrice revisite avec une maîtrise et un bonheur certains. Un Western, mais pas seulement.

DS

Générique

Réalisation
Valeska Grisebach
Scénario
Valeska Grisebach
Production
: Maren Ade, Jonas Dornbach, Valeska Grisebach, Janine Jackowski, Michel Merkt
Photographie
Bernhard Keller
Montage
Bettina Böhler
Interprétation
Meinhard Neumann (Meinhard), Reinhardt Wetrek (Vincent), Syuleyman Alilov Letifov (Adrian), Veneta Fragnova (Veneta)
Origine, année
BUL/GER/AUT, 2017
Durée
119 minutes
Distribution
Trigon Film
Âge recommandé
16

Motivation / Citation

«Valeska Grisebach transpose en Bulgarie les codes du genre hollywoodien pour suivre la piste d’un ouvrier allemand perdu dans le nouveau territoire auquel il est confronté. Une brillante fable moderne qui dresse un constat amer de l’Europe.»

Luc Chessel
Libération, 21.11.2017

Commentaires

« Les soupçons s’estompent devant l’incroyable sinuosité du récit, qui épouse avant tout la mobilité de son héros, sa propension à l’action, sa débrouillardise patiente. Meinhard bricole, répare, construit, monte à cheval, apprend, communique ; il désamorce une situation crispée qui semble pouvoir s’enflammer à chaque instant, entre des Allemands arrogants, et des Bulgares qui se débattent avec les effets de la crise (chômage, exil des jeunes, manque d’argent). Ainsi, plutôt que d’embrayer sur la logique du pire, le film opère toute une série de contournements, déjouant sans cesse ce qui pouvait sembler inévitable : la violence, le drame, l’affrontement, la guerre.
ntre les deux groupes, le hiatus qui s’esquisse n’est pas seulement culturel, mais désigne aussi les disparités d’une Europe à plusieurs vitesses, où l’Ouest exerce sur l’Est un assujettissement économique qui ne dit pas son nom. A ce stade, il faut préciser que Western est produit par une autre cinéaste allemande, Maren Ade, qui, avec Toni Erdmann (2016), évoquait un même type de rapport asymétrique entre l’Allemagne et la Roumanie. Ces deux fictions de la déterritorialisation offrent plus qu’une coïncidence : non seulement une même interrogation critique sur la position dominante de l’Allemagne en Europe, mais, chose encore plus émouvante, la manifestation d’une conscience et d’une sensibilité véritablement européennes. A ce titre, Western semble nous rappeler une chose importante   : que les traités économiques ne suffiront jamais à circonvenir et à neutraliser les relations toujours incertaines entre les peuples. Relations dont il n’est jamais exclu qu’il puisse sortir un échange humain, une collaboration plutôt qu’un servage. Western doit, par ailleurs, une grande part de sa densité et de sa force d’incarnation au choix de ses acteurs, des non professionnels choisis au terme d’un long travail de recherche. Ceux-ci viennent du monde ouvrier, de la manutention, du bâtiment, et portent pour ainsi dire la marque du travail sur leurs visages, sur leurs corps. Il n’y a qu’à voir Meinhard Neumann, un ancien forain, dont la sécheresse physique, la peau parcheminée, les mains calleuses, sont à elles seules toute une histoire de tâches et de labeurs. Le film y gagne non seulement en réalisme (les corps ne trichent pas dans l’action), mais aussi une forme renversante et inédite de sensualité, qui s’attache, une fois n’est pas coutume, à ces corps matures, burinés, sillonnés par le temps.
ar le véritable objet du film réside aussi, peut-être, dans cette « compagnie des hommes » qu’il s’attache à décrire. La masculinité y est scrutée, non pas comme une généralité, mais dans ses aspérités et sa rugosité, dans ce qu’elle peut avoir à la fois de pathétique, de ridicule même, mais aussi d’émouvant. La caméra s’attarde lentement sur les rituels qui la constituent et s’échauffent pendant le gel du chantier : la drague, parfois lourdaude, les rodomontades, les jeux d’argent et d’alcool, mais aussi la camaraderie, l’effort partagé, le temps passé ensemble. Valeska Grisebach en tire un saisissant portrait des hommes entre eux, doublé d’une étude précise du geste, de la mobilité masculine. Et qu’il faille une réalisatrice pour nous rappeler, aujourd’hui, qu’un amour des hommes est encore possible, n’a évidemment rien d’anodin. »

Mathieu Macheret
Le Monde, 21.11.2017

Prix (Sélection)

2018
Preis der deutschen Filmkritik : meilleur film, meilleur acteur principal.

Filmographie

2017
Western
2006
Sehnsucht
2001
Mein Stern