La nuit des rois
Au cœur de la forêt, proche d’Abidjan, La Maca est l’une des prisons les plus surpeuplées d’Afrique de l’Ouest, régie par ses propres lois. Dans cet univers étouffant de jungle humaine avec ses rites et ses traditions, le nouveau venu se voit imposer un défit, celui de conter une histoire durant toute la nuit. Tel Shéhérazade, il doit réciter des contes jusqu’au lever du jour pour éviter d’être tué au petit matin. Seulement Zama, un jeune pickpocket tout juste débarqué à La Maca, ne sait pas raconter.
Générique
- Réalisation
- Philippe Lacôte
- Scénario
- Philippe Lacôte
- Production
- Delphine Jaquet, Yanick Létourneau. Ernest Konan, Yoro Mbaye
- Photographie
- Tobie Marier Robitaille
- Montage
- Aube Foglia
- Musique
- Teiji Ito
- Interprétation
- Koné Bakary (Roman), Steve Tientcheu (Barbe Noire), Digbeu Jean Cyrille (Demi-Fou), Laetitia Ky (la Reine), Denis Lavant (Silence)
- Origine, année
- FR / CI / CA / SN 2020
- Durée
- 93 minutes
- Distribution
- Xenix Film
Citation
« La nuit des rois est une véritable expérience cinématographique puissante et terrifiante.
Avec des personnages sans espoir mais pas sans volonté,
le réalisateur invite à le suivre dans les méandres de l’esprit humain,
jusqu’à l’aube et la continuation de la vie.»
PublikArt, 08.09.2021
Commentaire
Voilà un film sur la prison qui ne ressemble à nul autre. «La nuit des rois», deuxième long-métrage du cinéaste ivoirien Philippe Lacôte, surprend dans son esthétique de beauté délabrée, autant qu’il est inattendu dans son approche avec ses détenus qui semblent autogérer leur enfermement dans le dédale de couloirs d’une immense prison – il s’agit d’une reconstitution de la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA), dans des bâtiments de la ville coloniale du Grand-Bassam, en bordure de la forêt. […]
Sous l’œil de Philippe Lacôte, la prison d’Abidjan ainsi reconstituée n’est plus qu’un «bateau ivre» livré aux mains de son caïd, reléguant le directeur et ses gardiens au rang de simples spectateurs, cyniques ou blasés – lesquels se contentent de regarder par un trou fait dans le mur. Des personnages interlopes déambulent, un troublant garçon rendant des services sexuels en tenue de cabaret, un homme blanc (le seul), lunaire, mutique mais décisif, prénommé Silence. […]
La véracité documentaire se mêle à la magie et au fantastique, dans l’esprit des griots qui sont à la fois historiens et conteurs. En toile de fond, le cinéaste dévoile son approche plus ample, anthropologique, observant la crise politique qui hante son pays. Dans La nuit des rois, les corps sont aussi des sujets politiques. Roman apprend à occuper l’espace, découvre sa capacité d’attraction. Le conteur reprend son souffle, feuilletonne, tandis que des codétenus chorégraphient ses propos, dans de sublimes improvisations – le film sera-t-il un jour adapté sur un plateau de danse ?
Tandis que les épisodes s’accumulent, Philippe Lacôte nous «projette» à l’extérieur de la prison, en filmant la vie fantasmée ou réelle de Zama King. Ces allers-retours entre le «dedans» et le «dehors» perturbent le rythme du film, mais c’est aussi dans ce brouillage que «La nuit des rois» évite de suffoquer dans sa beauté esthétique.
Le Monde, 08.09.2021
Propos du réalisateur
Qu’est-ce qui a motivé le choix de cette histoire ?
« J’ai rencontré un ami d’enfance qui sortait de cette prison. Il m’a raconté ce rituel consistant à choisir un prisonnier surnommé Roman qui est obligé de raconter, toutes les nuits, une histoire. Dans le réel, on ne le tue pas. Dans mon film, j’ai ajouté cette dimension pour ajouter du suspense. Cela rejoint aussi une histoire personnelle, car lorsque j’étais enfant, ma mère a été emprisonnée à La Maca pour des raisons politiques. J’allais la voir une fois par semaine et j’ai conservé des images fortes de ce lieu. »
On peut s’attendre à beaucoup de violence dans un drame carcéral. Vous êtes allé ailleurs. Pourquoi?
« Mon objectif était d’observer les prisonniers comme une société à part entière, avec ses codes, ses lois, ses croyances. Et de voir comment cette société crée un gouvernement et produit ses propres mythologies, son propre récit et son propre imaginaire. »
La Presse, 11.03.2021
Filmographie (sélection)
- 2020
- La nuit des rois
- 2014
- Run
- 2013
- To Repel Ghosts (Kf/cm)
- 2012
- Le djassa a pris feu
Prix (sélection)
- 2021
- Fribourg International Film Festival: Grand Prix
- 2021
- Black Reel Awards: Outstanding Foreign Film
- 2020
- Chicago International Film Festival: Silver Hugo Best Cinematography, Best Sound

Zenith
Lucie, 14 ans, a été placée en foyer pour ne pas voir sa mère mourir. Dans cette parenthèse dont elle craint la durée, elle reconnaît un visage familier.