Jazz on a Summer’s Day
- Réalisation: Bert Stern
- US 1959
- 85 minutes
Jazz on a Summer’s Day
Réalisé par le grand photographe de mode Bert Stern – à qui l’on doit les célèbres portraits de Marilyn Monroe pris peu de temps avant sa disparition –, Jazz on a Summer’s Day est l’un des tout premiers concerts filmés de l’histoire du cinéma et certainement l’un des plus mythiques. Louis Armstrong, Mahalia Jackson, Chuck Berry, Chico Hamilton… les plus grandes légendes du jazz défilent sous le soleil éclatant de Newport et livrent une performance unique. Entre deux concerts, Bert Stern filme l’effervescence qui anime cette ville, à la manière d’une parenthèse enchantée. Un témoignage rare sur l’Amérique de la fin des années 1950.
Générique
- Réalisation
- Bert Stern
- Scénario
- Bert Stern, Albert D’Annibale, Arnold Perl
- Production
- Harvey Kahn, Bert Stern, George Wein
- Photographie
- Courtney Hesfela, Raymond Phelan, Bert Stern
- Montage
- Aram Avakian
- Interprétation
- Louis Armstrong, Chuck Berry, Mahalia Jackson, Jimmy Giuffre, Chico Hamilton, Dinah Washington, Thelonious Monk, Anita O’Day, Art Farmer, Danny Barcelona, Terry Gibbs, Max Roach, Mildred Fell
- Origine, année
- US 1959
- Durée
- 85 minutes
- Distribution
- Trigon
Citation
« Splendide…
Certainement le meilleur concert de jazz filmé
de tous les temps. »
Chicago Reader, 01.07.2005
Commentaire
Comme tous les bonheurs de facture industrielle, cette sensation est un peu frelatée. Mais Jazz on a Summer’s Day a été tourné en 1958, et les additifs et les procédés de fabrication de ce documentaire, ancêtre de tous les films de concert, de Woodstock (1970) à Stop Making Sense (1984), ont pris au fil du temps un goût délicieusement désuet.
À l’été 1958, le photographe de mode Bert Stern décide de filmer la cinquième édition du festival de jazz de Newport, dans l’Etat de Rhode Island. Sont attendus, entre autres, Duke Ellington, Miles Davis, Dave Brubeck, Horace Silver, Ray Charles. Aucun d’entre eux n’aura les honneurs du grand écran, Bert Stern avait manifestement d’autres idées en tête. Profitant de la simultanéité entre le festival et les éliminatoires de l’America’s Cup, il filme les yachts filant sur l’Atlantique et croise ces images avec des séquences musicales. Le procédé est enchanteur (quand la musique se contente de son statut de bande originale) et parfois exaspérant (quand Thelonious Monk, qui arbore de sublimes lunettes à monture de bambou, entame Monk’s Blues pour être aussitôt noyé dans les flots bleus, jusqu’à recouvrir la musique de la voix du commentateur de la régate).
Stern ne s’est pas interdit de mettre en scène des séquences entières. Les beatniks qui font la fête, le groupe de dixieland qui sillonne les rues de Newport à l’arrière d’un tacot sont là sur commande. Plus convaincantes sont les images de la répétition du groupe de Chico Hamilton dans une pièce surchauffée, sans air conditionné, qui se termine par l’exécution mélancolique du Prélude de la Première Suite pour violoncelle de Bach, dans un nuage de fumée de cigarette.
Cette célébration des prémices de la grande libération à venir, qui culminera en 1967 avec le Summer of Love, inspirera de la nostalgie. Les séquences filmées sur la pelouse recouverte de chaises pliantes devant une grande scène blanche qui accueillait le festival sont, elles, admirables. Le sens du cadrage de Stern, l’attention qu’il prête à un public mélangé (type à tête d’agent du FBI, hepcat sorti d’un roman de Kerouac, jeunes gens issus des universités de l’Ivy League, piliers des boîtes de jazz de Harlem…) magnifient la musique qui, elle-même, atteint des sommets.
Le spectacle incongru et charmant d’Anita O’Day, chapeauté, gantée, vocalisant avec virtuosité sur Sweet Georgia Brown et Tea for Two contraste parfaitement avec l’intensité de Dinah Washington sur All of Me. Big Maybelle, mère fondatrice du rhythm’n’blues, précède Chuck Berry qui, pour d’obscures raisons (peut-être avait-il déjà l’habitude de partir seul en tournée, histoire que personne d’autre que lui ne soit payé) interprète Sweet Little Sixteen avec des musiciens de jazz. Le morceau peine à décoller pour se terminer sur un étonnant duo guitare-clarinette, sans doute unique dans les annales du rock’n’roll.
Le film se termine sur deux gospels interprétés par Mahalia Jackson. Sa version de The Lord’s Prayer (Notre Père) est l’expression même de l’espoir fiévreux et puissant qui travaillait alors les Etats-Unis.
Le Monde, 27.02.2022
Filmographie
- 1959
- Jazz on a Summer’s Day