First Cow

Séance du
  • Réalisation: Kelly Reichardt
  • US 2019
  • 121 minutes
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First Cow

Au début du 19e siècle, sur les terres encore sauvages de l’Oregon, Cookie Figowitz, un humble cuisinier, se lie d’amitié avec King-Lu, un immigrant d’origine chinoise. Rêvant tous deux d’une vie meilleure, ils montent un modeste commerce de beignets qui ne tarde pas à faire fureur auprès des pionniers de l’Ouest, en proie au mal du pays. Le succès de leur recette tient à un ingrédient secret : le lait qu’ils tirent clandestinement chaque nuit de la première vache introduite en Amérique, propriété exclusive d’un notable des environs.

Générique

Réalisation
Kelly Reichardt
Scénario
Jon Raymond, Kelly Reichardt
Production
Neil Kopp, Vincent Savino, Anish Savjani
Photographie
Christopher Blauvelt
Montage
Kelly Reichardt
Musique
William Tyler
Interprétation
John Magaro (Cookie), Orion Lee (King-Lu), Toby Jones (Chief Factor), Ewen Bremner (Lloyd)
Origine, année
US 2019
Durée
121 minutes
Distribution
Sister Distribution

Citation

« Le dernier film de l’Américaine Kelly Reichardt,
situé au temps masculin et vindicatif des chercheurs d’or et des mythes fondateurs,
trace la voie d’un rapport différent à l’histoire des États-Unis,
loin du monumental, de l’édifiant, de l’univoque. »

Laura Tuillier
Libération, 12.07.2021

Commentaires

À partir de cette histoire inspirée de faits réels et au demeurant assez simple dans sa narration, Kelly Reichardt nous raconte ni plus ni moins la naissance du capitalisme en revenant littéralement aux fondements de la terre américaine. Elle critique un système bâti sur le dos des premiers travailleurs qui ont oeuvré sur le territoire dont Reichardt interroge les racines avec une grande intelligence. 

Mais au-delà de la relation entre la vache et le cuisinier, qui lie avec l’animal un lien fusionnel de par la pratique de la traite, First Cow nous raconte aussi une histoire d’amitié bouleversante entre un Américain et un immigré. Une relation dont l’écho résonne évidemment avec l’actualité d’une Amérique dans l’ère post-Trump, qui nous est contée avec une économie de plans admirable. 

Travaillant ses cadres avec parcimonie, à base notamment de longs plans fixes où la cinéaste laisse tourner sa caméra pour saisir les petits hasards du quotidien de ses deux personnages (à l’image de cette cohabitation dans une petite cabane dans les bois), Kelly Reichardt offre à son western une forme dépouillée de toutes conventions hollywoodiennes, dont l’esthétique ne ressemble à aucune autre proposition du genre. Un parti pris qui fait de First Cow un objet de cinéma radical, exigeant, qui fonctionne selon ses propres règles et sa propre dynamique, lui conférant au passage une identité unique dans le paysage du cinéma indépendant américain actuel. Malgré l’aspect programmatique de son point de départ, qui nous donne pleinement conscience que nous suivons deux personnages dont le destin funeste est déjà scellé, Kelly Reichardt parvient à rendre attachant son duo composé de héros marginaux propres à son cinéma, qui tente sans cesse de saisir le train d’un rêve américain en marche qui leur est inaccessible.

Gaël Delachapelle
EcranLarge, 22.10.2021

Au cœur de cette histoire d’amitié, le motif liquide agit comme un lien secret. Il irrigue toutes les strates du récit, de l’arrivée de la vache sur la rivière au lait que l’animal produit, en passant par l’huile dans laquelle Cookie fait frire ses beignets. Même la terre que foulent les personnages, dans cet État forestier au climat hivernal humide, est gorgée d’eau, et la caméra filme d’ailleurs souvent au niveau du sol, tandis que la bande-son fait entendre une myriade de bruits mouillés : éclaboussures, crissements, claquements étouffés de bottes boueuses, etc.

La mise en scène s’appuie ainsi sur une série de trouvailles autour de ce motif, comme dans une scène magnifique, située dans le premier quart du récit. Alors que Cookie parvient enfin, après plusieurs essais infructueux, à attraper un saumon à l’aide d’une épuisette, il aperçoit King-Lu qui s’éloigne en nageant. Le découpage soustrait à la petite épiphanie du poisson pêché, promesse d’un repas convoité, le vrai désir du personnage : accéder à l’insaisissable King-Lu. D’un plan à l’autre (du saumon attrapé à King-Lu relâché), c’est bien l’eau et son bruit blanc qui font office de lien, dans cette Amérique où la nature est encore loin d’avoir été complètement conquise.

Marin Gérard
Critikat, 19.10.2021


Filmographie

2022
Showing Up
2019
First Cow
2016
Certain Women
2013
Night Moves
2010
Meek’s Cutoff
2008
Wendy and Lucy
2006
Old Joy
1994
River of Grass

Prix (sélection)

2020
New York Film Critics Circle Awards: Best Film
2020
Gijón International Film Festival: Best Film