Bacurau
- Réalisation: Juliano Dornelles, Kleber Mendonça Filho
- BR/FR 2019
- 130 minutes
Bacurau
A Bacurau, village isolé du Sertão, une région pauvre du Brésil, c’est jour de deuil. La matriarche Carmelita, aimée de tous, vient de s’éteindre, à 94 ans. Tous les habitants lui rendent hommage. Quelques jours plus tard, ils remarquent que Bacurau a disparu de la carte. Les autorités contrôlent l’eau et assoiffent volontairement une population sommée de quitter les lieux. Des villageois résistent et sont bien décidés à ne pas se laisser faire. Des drones en forme de soucoupes volantes scrutent leurs faits et gestes. Des Occidentaux – américains pour la plupart – s’apprêtent à mater les rebelles…
Ce film comporte des scènes qui peuvent heurter la sensibilité de certain·es spectateur·trices.
DSGénérique
- Réalisation
- Juliano Dornelles, Kleber Mendonça Filho
- Scénario
- Kleber Mendonça Filho, Juliano Dornelles
- Production
- Emilie Lesclaux, Saïd Ben Saïd, Michel Merkt
- Photographie
- Pedro Sotero
- Montage
- Eduardo Serrano
- Musique
- Mateus Alves, Tomaz Alves Souza
- Interprétation
- Sônia Braga (Domingas), Udo Kier (Michael), Bárbara Colen (Teresa), Silvero Pereira (Lunga), Thardelly Lima (Tony Jr.)
- Origine, année
- BR/FR 2019
- Durée
- 130 minutes
- Distribution
- SBS Distribution, France
Motivation / Citation
Une grande fiction politique, dont la vitalité à toute épreuve est une vertu nécessaire pour affronter la monstruosité bien réelle de l'extrême droite contemporaine.
Cahiers du cinéma, Septembre 2019 – n°758
Commentaires
Le film ondule au rythme de son village, s’imprègne de la musique des lieux en prenant le temps de regarder ses habitants, médecin comme prostituée, avec une égale noblesse. Un temps nécessaire aussi pour introduire discrètement des dérèglements qui contrarient un quotidien alangui. Une guerre de l’eau, d’abord, dont l’accès a été confisqué par une autorité distante et qui préfigure les maux plus grands qui s’abattent sur ce Brésil temporellement situé «dans quelques années» dont seuls de faibles et angoissants échos nous parviennent à travers un écran de télé qui annonce la reprise imminente des exécutions publiques. L’irruption à Bacurau d’un représentant de cette zone du dehors donne lieu à une formidable scène qui condense la déconnexion entre les deux mondes : lorsque débarquent un élu local et son équipe de campagne tapageusement kitsch, les habitants se calfeutrent chez eux. Grand exercice de surdité, où le bedonnant politique déroule son discours devant des rues désertes, avant que ce vide ne laisse place à une nuée d’insultes fantômes. Imperturbable, le préfet néocolon livre aux barbares les généreux témoignages du monde moderne, vomis par un camion benne : des cercueils, des livres à la pesée, des anxiolytiques en suppositoire - une certaine idée de l’endroit où enfouir ses angoisses. […]
Ecrit et réalisé avant l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, le film rejoue dans son cadre et sa forme fracturée le drame alors en train de se nouer dans les urnes. La réponse épidermique des cinéastes prend la forme d’un cri primal et choral, d’une explosion graphique, comme s’il fallait invoquer des codes populaires - ceux de la série B - afin de conjurer le spectre du carnage populiste en cours. Bacurau se fait donc théâtre sanguinaire et grotesque, espace du jeu (télé ou vidéo) où chaque victime donne droit à des points. Le meurtre comme orgasme, comme shoot d’endorphine. Une riposte excessive, hyperbolique et paillarde à la démesure des troubles et démons qui dévorent le corps social et politique brésilien.
Libération, 24.09.2019
Les artistes, par les fibres particulièrement sensibles qui les relient au réel, sont souvent annonciateurs de phénomènes qui y sont à l’œuvre de manière plus ou moins latente. Entrepris avant l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, Bacurau semble ainsi au diapason de la nouvelle donne politique. La subtilité en prend logiquement un petit coup, au profit d’un engagement qui n’a d’autre choix que celui de la frontalité et de l’affrontement mythologique, ne nous embarrassons pas non plus de mots, entre le bien et le mal.
Ce que Glauber Rocha, grand sorcier et grand poète du Cinema Novo, allait chercher dans le passé (la tradition des bandits d’honneur, la lutte sanglante contre l’autocratie, la dignité et la cruauté folklorique du Nordeste déshérité…), Filho s’essaie à le trouver dans une fable futuriste. [...]
Cette conflagration mortelle de l’archaïque et du moderne – davantage que la galerie de personnages délibérément stéréotypés qui l’incarne – est bel et bien ce qui confère au film son actualité, renvoyant à la nature duelle des régimes autoritaires qui se mettent en place un peu partout dans le monde.
Le monde, 25.09.2019
Prix (Sélection)
- 2019
- Cannes Film Festival: Prix du Jury
- 2019
- Lima Latin American Film Festival: Best Director, Best Film, Critics Award
- 2020
- Prêmio Guarani: Best Picture, Best Director, Best Supporting Actor (Silvero Pereira), Best Ensemble Cast, Best Editing, Best Original Screenplay, Best Sound, Best Music
Filmographie Kleber Mendonça Filho (Sélection)
- 2012
- Neighbouring Sounds (O Som ao Redor)
- 2016
- Aquarius
- 2019
- Bacurau