143, rue du désert

Séance du
  • Réalisation: Hassen Ferhani
  • DZ / FR / QA 2019
  • 100 minutes
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143, rue du désert

Nous sommes entre Alger et Tamanrasset, sur la Transsaharienne. Malika règne sans partage sur ses vingt mètres carrés où elle reçoit les voyageur·euses du désert : une intrépide Polonaise, des musiciens enthousiastes, un ami de passage, un imam suspicieux... Hassen Ferhani offre une tribune unique aux laissé·es-pour-compte de la société algérienne.

Générique

Réalisation
Hassen Ferhani
Scénario
Hassen Ferhani
Production
Narimane Mari, Olivier Boischot, Michel Haas
Photographie
Hassen Ferhani
Montage
Stéphanie Sicard, Nadia Ben Rachid, Nina Khada, Hassen Ferhani
Musique
Matthieu Chedid
Origine, année
DZ / FR / QA 2019
Durée
100 minutes
Distribution
Trigon

Citation

« Road-movie statique, le superbe film de Hassen Ferahni dresse
le portrait de Malika, tenancière d’une buvette dans le Sahara.
Y défilent et jouent, aux confins du documentaire, toutes sortes
de figures de la société algérienne : motards, musiciens, imams... »

Luc Chessel
Libération, 15.06.2021

Commentaires

Dans son documentaire, l’Algérien Hassen Ferhani filme le quotidien d’une femme âgée travaillant et vivant au cœur du désert. La première image de 143, rue du désert est un long plan sur une maisonnette qui semble perdue dans l’ombre du monde, un endroit duquel on peut presque voir à quel point le Sahara est vaste. Ferhani fait, à travers Malika, le portrait d’une force de vie. Elle n’a pas d’enfants, pas de parents et n’a pas peur des loups ; elle sert des cafés et tient compagnie aux visiteurs.

C’est un personnage du quotidien, c’est aussi une héroïne quasi mythique, avec des rumeurs qui courent sur elle. La simplicité du dispositif met en valeur les protagonistes et l’aspect vivant du long métrage. Cet endroit semble oublié, mais pourtant on s’y rencontre, on y parle, on y danse, on y chante. Néanmoins, par son honnêteté et son épure, Hassen Ferhani évite les artifices pittoresques.

Mais qu’est-ce qui se passe autour de cette maison au bord de la route? Les soldats déambulent mais on ne sait pas d’où ils viennent. Il y a un côté absurde, comme si Malika était la lointaine cousine de Lillian Gish dans Le Vent. En plus paisible certes, mais le film pose aussi des questions sur la condition féminine avec cette femme qui est à la fois entièrement au service et à l’écoute des autres tout en étant hors des règles. Qu’est-ce qu’on perçoit du monde qui se transforme autour ? En insistant sur ce lieu précis, Ferhani questionne aussi ce qui est hors du cadre, dans un endroit qui, de nuit, paraît étrangement abstrait.

Nicolas Bardot
Le Polyester, 15.06.2021

Ferhani a rencontré Malika par le biais de son ami, l’écrivain Chawki Amari, qui apparaît dans le film. Amari a écrit Nationale 1, un carnet de voyage en forme de roman inspiré des personnages qu’il a rencontrés sur cette route. Ferhani n’essaie pas de fictionnaliser les personnages qu’il rencontre : il a fait un road movie où au lieu d’aller vers la route, il laisse la route venir à lui. Le relais routier est situé au centre géogra- phique de l’Algérie, et il sert autant des gens qui vont jusqu’à Tamanrasset, à l’extrême sud du pays, qu’à Alger, à l’extrême nord. Malika est populaire auprès des camionneurs comme des touristes, et des petits fragments de leurs histoires sont également révélés dans le film.

Malika reste néanmoins un peu mystérieuse. Nous savons com- ment elle se sent ici et maintenant, mais comment est-elle arrivée là ? Des petits morceaux de biographie sont parfois dévoilés naturellement, dans ses conversations. Souvent, Ferhani installe sa caméra de manière à ce qu’elle reste fixe et se concentre sur Malika, assise à une table avec un client, à discuter de ce qui leur passe par la tête. Parfois, un client se lève (l’un d’eux utilise même la fenêtre comme décor pour raconter une histoire de prison) ou alors Malika sort du champ pour faire quelque chose. On a l’impression que le temps s’est arrêté. Et pourtant, c’est une illusion, car beaucoup de choses se passent dans ce lieu, quoiqu’on n'en ait pas l’impression.

La beauté du film est qu’il joue des idées préconçues. Il s’ouvre sur un plan d’introduction qui montre des voitures conduisant le long de la Nationale 1, avec les vastes étendues du Sahara comme toile de fond. Dans ce paysage, comme un mirage isolé, on a le relais routier. Au fil du film, tandis qu’on fait la connaissance de Malika et de ses clients (dont certains reviendront plusieurs fois), il devient apparent que le café n’est pas isolé. Il y a des plans qui montrent un hypermarché installé non loin, qui menace le commerce de Malika et on se rend soudain compte que Ferhani n’est pas en train de faire un film sur ce petit café à l’ancienne, mais sur la globalisation. Ce film raconte l’histoire d’un monde en transformation, à travers les récits de personnages intrigants qui mènent leur vie quotidienne dans ce qui semble être un lieu lointain. Malika, loin d’être une drôle de vieille dame, et peut-être une des seules personnes saines qui reste, surtout en comparaison avec certains des personnages occidentaux qui fréquentent le magasin.

Kaleem Aftab
Cineuropa, 23.08.2019

Filmographie (sélection)

2019
143, rue du désert (doc)
2015
Dans ma tête un rond-point (doc)
2013
Tarzan, Don Quichotte et nous (Kf/cm)
2010
Afric Hotel (doc)
2006
Les Baies d’Alger (Kf/cm)

Prix (sélection)

2019
El Gouna Film Festival Egypt: Silver Star for the Best Feature Documentary
2019
Locarno Film Festival: Best Emerging Director (Cineasti del presente)
2019
Torino Film Festival: Best International Documentary Film